L'aliénation
Il y a un tel degré d'aliénation
en écoutant et en lisant tout sur le débat sur la "Charte", une
aliénation qui s'ignore bien évidemment ou, d'un côté on a une image d'épinal
de la société québécoise pure, condescendante et assurée de la justesse de sa
démarche idyllique vers la perfection et, de l'autre, cette aliénation qu'est
celle des Autres, précisément celle de ceux et celles qui portent des objets
religieux de tous genres irrémédiablement non-admis dans la tribu de l'autre
qui, dans son aliénation à elle n'y voit qu'un outrage à son devenir de
libération factice. « Hystérie, insomnie, stress, névrose. Donnez une meilleure
impression grâce à un meilleur usage des cosmétiques. » (Chanson de Vangelis)
Parmi les choses qui devraient
préoccuper un tant soit peu la tribu, il y a ce triplement du nombre des
voitures depuis 30 ans et qui empoisonne de manière ostensible tout désir de
simplement vaquer à son existence, une obsession proportionnelle au souhait
d'un environnement propre. L'un est en train de détruire l'autre sans que l'on
semble même s'en rendre compte.
Autre aliénation non moins
percutante: loin d'être affranchis les membres de la tribu sont franchisés mur
à mur et totalement complaisant de cet état de chose. Costco, Walmart et une
multitude d'autres marques. Dans des gaspillages d'espaces sans fin, le membre
de la tribu ballade son existence de parking en centres d'achats gargantuesques
qui le consomment sur des autoroutes envahissantes, telles des tubes digestifs.
On n'aurait jamais imposé une telle culture invraisemblable. Elle s'est
insidieusement infiltrée dans des brèches béantes du dégel, lentement, au
compte-goutte, par incrément, par strates d'acceptation miroitantes d'accès au
bonheur, exempt d'ontologie, de transcendance inutile (sinon celle liée à la
satisfaction momentanée), du "ici et maintenant", de l'immédiateté du
l'assouvissement à crédit.
La génération montante qui a
grandi dans ce simulacre de culture ne semble en fait que revendiquer son droit
de poursuivre cette ivresse, voire cette ivrognerie aux couleurs chatoyantes
que lui transmet les deux générations précédentes qui, elle, semblent avoir agi
par frustration. Celles-là s'en vont tranquillement dont le membres les plus veinards
se vautrent dans une retraite d'insouciance et égocentrique, intellectuellement
dépourvus de toute capacité à se demander si leur complicité à cette
"dialectique matérialiste" vide de tout sens n'entrainera pas les
suivants dans des déboires que l'on n'ose s'imaginer. Qu'a-t-on transmis sinon
des valeurs qui se rapprochent de celles du robot qui ne veut pas mourrir,
somme toute pas tellement plus brillantes que ce que l'on avait évacué pour
soi-disant s'en sortir.
Libellés : aliénation, Charte des valeurs québécoises, culture, Québec
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