mardi 17 juin 2014

La finalité du travail en ce siècle

Il y a eu changement de paradigme au sujet du travail. Difficile de déterminer une date cependant. A vrai dire cela s'est fait par étape jusqu'à l'inutilité ou la médiocrité de la plupart des emplois qui existent maintenant. Il y a une quarantaine d'années, Alvin Toffler nous prédisait la civilisation du loisir. Or il n'en est rien! Nous sommes plus aliénés par le travail maintenant qu'il y a 40 ans. En partant nous ne sommes plus des employés mais des associés. Tous les mots, toutes les descriptions de tâche sont devenu l'apanage d'agence de recrutement qui y vont d'un vocabulaire aseptisé. Exemple:

Assitant chef d'équipe #6024
Sherbrooke - Sherbrooke, QC Belle opportunité situé à Sherbrooke en plein coeur de l'Estrie, une région aux paysages à couper le souffle, aux activités de plein air et culturel variés et aux plaisirs gastronomiques riches en saveur.
Qu'est-ce qu'on nous vend ici? Un simple emploi où le paradis à la fin de nos jours?
Une entreprise d'envergure nationale recherche actuellement un(e) assistant chef d'équipe bilingue pour son bureau de Sherbrooke. Si vous aimez être entouré(e) de gens positifs et recherchez une compagnie ayant une culture d'entreprise dynamique, ne cherchez plus et faites-nous parvenir votre candidature!
Pourquoi faut-il en partant préciser qu'il faille être positif. A mon avis, il y a des problèmes dans la boîte et celui qui quitte n'en peut plus... Il vous faudra aveuglément plonger dans vos chaussures d'assistant-chef d'équipe et ne pas vous poser de questions et faire ce qu'on vous dit de faire.


Relevant du Chef d'équipe du département des ventes, vous aurez les responsabilités suivantes:

Contribuer à développer une équipe hautement performante par l’encadrement, la formation, la motivation, l’évaluation et la communication claire des attentes, et ce, de façon constante;
Mon dieu, s'il faut constamment motiver tout le monde ainsi c'est que la finalité du boulot en soi doit être d'une absurdité à toute épreuve.
Vous assurer que les objectifs en matière de ventes et services soient adéquatement communiqués aux employés et guider ceux-ci pour qu’ils atteignent ces objectifs grâce à un suivi des paramètres établis et la production de rapports;
Encore là, on est dans la pressurisation de cocote-minute pour tirer le maximum de jus de tout le monde à des salaires de misère.
Agir comme ambassadeur du service hors pair en fournissant aux agents vos commentaires sur la qualité, la productivité et l’exactitude au moyen de rapports et de communications claires;
Beaucoup de paperasses en perspectives avec sans doute des heures supplémentaires à surveiller voire dénoncer ceux et celles qui n'ont pas la capacité à "atteindre les objectifs", un taux de rendement assez élevé pour le envoyer à l'hôpital ou en accidents du travail parce qu'on passe la journée à stresser soi-même et les autres.
Combler ou dépasser les objectifs de ventes et services, et offrir un service hors pair aux clients internes et externes;
Collaborer avec le chef d’équipe et les autres services de l’entreprise afin d’améliorer les processus et la résolution de problèmes;
Demeurer en liaison avec le Service de gestion des effectifs en regard des niveaux de service et des horaires attribués aux agents;
Accomplir les tâches du chef d’équipe en son absence
Hmmm, est-ce qu'on a les avantages du chef d'équipe en son absence. Qu'est-ce qu'on fait au juste, Que vend-on? De quelle camelote s'agit-il, où est-ce située? Etc.

En partant ce genre de description me fait fuir car on est à la merci de l'agence pour savoir l'essentiel. Je n'investirais pas mon temps dans ce poste ingrat. Quand on en est rendu là, on est aussi dans une grande misère intellectuelle et "esthétique".

Ainsi en va-t-il d'à peu près toutes les descriptions d'emploi que l'on retrouve sur les sites d'emploi pour le secteur privé. Aucune place à la créativité, juste d'être le sous-fifre qui écoute ou donne des ordres à des fins douteuses. On devrait robotiser tous ces postes à vrai dire car ils ne sont pas plus brillants que tous ces postes répétitifs que l'on a robotisé au cours des 30 dernières années ou que l'on a envoyé s'exécutés en Chine ou ailleurs

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Le bon et le mauvais côté du Mile End

J'ai connu le Mile End, il y a 30 ans. A l'époque au Olympico/Open Da Night) l'expresso se vendait 45¢. Il est à environ 3$ maintenant ce qui fait une augmentation d'environ 700% en 30 ans. Quant aux logements, les prix n'ont cessé de gonfler à partir de la décennie 90, à peu près au moment où avait été décidé une première fois que le mégahôpital du CHUM allait être bâti sur les terrain de la STM en face du métro Rosemont, là où existe encore des garage de la STM. Quand je suis arrivé dans le quartier on trouvait facilement des 5½ à 325$ par mois. Aujourd'hui il est courant d'en trouver entre 1500$ et 2000$ par mois. On me dira que c'est à peu près la même augmentation que pour l'expresso d'Olympico mais je ne saurais boire pour 2000$ de café chaque mois, d'autant plus qu'il me faut acquitter mon loyer...
La spéculation immobilière dans le Mile End le rend désormais quelque peu infecte pour cette raison, avec Ubisoft et autres entreprises du genre.
Lorsque j'y vivais encore il y a dix ans, je me trouvai chez Latina et devant moi passait une jeune cliente dont les emplettes pour le seul repas du soir lui revenait à 40$, ce qui à l'époque était presque mon épicerie de la semaine. Latina était l'un de ces marchés italiens ou grecques ou portugais qui pulullaient le quartier autrefois, avec des poissonneries, des boulangeries à des prix très abordables. Pendant près de 20 ans, je payais ma grosse miche de pain entre 1,25 et 1.75$. Aujourd'hui j'ai une galette à ce prix.
Les gros immeubles textiles rue de Gaspé ont aussi été la proie de la spéculation, avec le 5455 vendu 8 millions $ en 2006 et racheté pour 37,5 millions $ en 2013, soit une augmentation de près de 500% en 7 ans, sans que rien de particulier n'y soit fait, comme pour les logements du reste.
De petits commerces se sont installés dans le quartier qui ont remplacés les commerces des communautés culturelles précédentes, telle la pharmacie à l'angle Saint-Viateur/Saint-Laurent qui a été remplacé par un café qui est tout de même original. A côte autrefois sur Saint-Viateur, il y avait une tabagie. Ce monsieur a fermé en 2002 après 50 ans de présence. C'est un prologement du café du coin maintenant. Je ne veux pas être nostalgique mais assurément mes souvenirs du quartier me permettent d'en parler différemment que si j'y arrivais à l'instant.

Le champ des Possibles


Sans doute l'une des plus belles initiatives dans le Mile End est le Champ des Possibles, un espace d'un hectare, ancienne gare de triage du CP qui a été lesté de cette fonction au début des années 90. Dès mon arrivée à Montréal en 1985, je me suis mis à fréquenter cet espace. Laissé en friche pendant deux bonnes décennies, il a fini par faire l'objet d'un regard attentif par Emily Rose Michaud qui s'y est investie. Rejointe éventuellement par quelques autres, ils ont réalisé quelque choses qui était du domaine de l'impensable sous d'autres administration municapale, à savoir la conservation de l'espace comme une espèce de semi-parc, sans aménagement officiel comme sait le faire si mal ou bien le service des parcs à Montréal. L'an dernier la Ville de Montréal a enfin entériné l'effort, après l'avoir acquis du CP pour une somme de 3 millions $. L'idée première de la Ville était bien évidemment de revendre pour la construction de condos. Il s'en est fallu de peu pour que cela devienne le cas. Ce qui a sans doute légèrement arrêté le processus est la nécessité de décontaminer ces terrains qui pendant des décennies avaient reçus des milliers de wagons et locomotives qui transportaient et sûrement échappaient à l'occasion toute sorte de produits chimiques et des produits pétroliers. Ainsi, il est interdit d'y faire des jardins communautaires à des fins de consommation.
Etant donné le peu d'espace vert dans le Mile End, ce grand terrain représente un lieu unique dans une ville comme Montréal.

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lundi 16 juin 2014

Les inepties du système de santé québécois

Le système de santé au Québec coûte en ce moment autour de 31,5 milliards de dollars, ce qui est pour le moins onéreux. Était-il vraiment nécessaire de surcroît de construire DEUX hôpitaux universitaires au coût faramineux de 1,5 millard chacun, dans un contexte où la dette publique totale au Québec en est à 107% du PIB?
A ce prix on s'imaginerait que le système est top-notch. L'attente aux "urgences" des hôpitaux est soi-disant de 4h22 en moyenne. C'est dire que si l'on injectait immédiatement le double d'argent dans le système, rien ne changerait car nous payons déjà l'équivalent d'une Mercédes.
Les problèmes du système de santé sont structurelles et culturelles car à n'en pas douter il nous représente dans notre façon de faire!
Samuel Vaillancourt, chercheur postdoctoral au Li Ka Shing Knowledge Institute, urgentologue à l'hôpital St. Michael à Toronto et autres activités a publié "Des idées pour un système de santé performant et solidaire" dans un ouvrage collectif Perspectives d'avenir pour le Québec, paru aux Presses de l'université du Québec à la fin de l'an dernier.
Samuel Vaillancourt est quelqu'un de résolument constructif et positif. Il dresse un tableau de la situation au Québec et il apporte des solutions qui permettraient une extraordinaire fluidité dans le parcours des patients ayant à subir le système courant en plus d'être malade, ce qui les rend parfois plus malade et peut même entraîner la mort car, selon les chiffres qu'il dévoile, il y aurait autour de 6000 décès au sein même du système de santé dus à des erreurs médicales et autres! Autrement dit, il est préférable ne pas aller à l'hosto, surtout le week end puisqu'on risque de ne pas en sortir vivant. Édifiant. Cela se passe dans une indifférence généralisée, au point où on peut se demander s'il vaut vraiment la peine de s'attarder à proposer des solutions. Les problèmes semblent faire l'affaire d'un certain nombre d'individus pour qui le système n'est là que pour leur permettre d'atteindre des objectifs à eux/elles qui n'ont rien à voir avec les soins de santé. J'exagère à peine.
Bref voici un tout petit échantillonnage des propos que tient Samuel Vaillancourt dans le chapitre en question:
Sans doute l'une des inepties les plus effarantes du système de santé québécois et qui me sidère au plus haut point, c'est celle qui m'apprend que le système n'a aucune sorte d'évaluation des soins qu'il prodigue! Cela tient du délire! Comment se fait-il que des professionnel.le.s qui sont payé.e.s des revenus pour s'acheter des condos cash soient aussi incapables de s'évaluer et de se soutenir en collégialité? J'en suis bouleversé. On en exige plus des éboueurs, des concierges d'immeubles!
J'en soupçonnais autant dès qu'on a commençé à parler de l'assurance-médicaments il y a bientôt 20 ans. Ces propos que je trouve dans le chapitre de Samuel Vaillancourt me le confirme. Nous sommes des imbéciles.qui payons un système qui n'est même pas en mesure de faire en sorte que les coûts des médicaments et des équipements soient sous contrôle! Encore une fois, c'est édifiant.
Après avoir dressé un portrait risible du fonctionnement du système de santé québécois, Samuel arrive avec des solutions d'une grande simplicité et qui ferait peut-être en sorte que le système fonctionnerait avec plus d'efficience et à un moindre coût.  Dans le fonctionnement du système de santé à ce moment-ci, le patient est considéré comme le dernier de cons! Les médecins ne posent plus de diagnostiques: ile s'en réfèrent à des machines. Dans ce système le médecin n'est plus qu'un vulgaire technicien de machine et étant payé à l'acte, il fait un usage outrancier des machines et des tests de toutes sortes. De plus, avant d'administrer quoique ce soit, il semblerait que l'on ne consulte même pas le dossier du patient, ce qui est pour le moins idiot. Il donne des exemples de cas d'erreurs médicales où cela semble être effectivement le cas. Il y a plus de dix ans, un système informatique était supposé avoir été mis en place pour que chaque acte posé auprès de quiconque se retrouve dans un fichier centralisé. Nous savons aussi que des whizkid informatique qui ont reçus un milliard de dollars n'ont pas livré la marchandise dans ce domaine.
Parmi les propositions, il y a celle qui aurait dû être concrétisée depuis des lustres: les médecins étant payés à l'acte, ils ont intérêt à faire marcher ce qu'on appellait auparavant la "Castonguette", que l'on appelle la carte "soleil". Il y a au moins deux aspects essentiels à considérer ici. On traite les médecins tels des travailleurs autonomes. Or dans la définition de ce qu'est un travailleur autonome selon la loi, il s'agit d'un individu qui travaille à l'acte ou à contrat pour une multitude de clients, ce qui n'est pas le cas des médecins qui ont pour seul client l'État! Avec ce statut, les médecins peuvent déduire leur mère de leurs impôts si ça leur chante. L'autre aspect, comme le souligne très bien Samuel Vaillancourt, c'est que dans un système ou les médecins sont salariés, leur intérêt premier redevient le patient car ils n'ont pas à traiter les gens comme des objets qui leur permettent d'atteindre des objectifs financiers mais aussi comme des individus auxquels ils prodiguent des soins.

En terminant, j'ai envoyé un courriel au ministre Gaëtan Barrette, l'ex-lobbyiste des médecins spécialistes qui a été nommé de façon immensément prévisible ministre de la Santé et des Services sociaux. Dans une conversation avec Marie-France Bazzo, il y a un peu plus de deux mois, il déclare prendre son mandat au sérieux et être lobbyiste de son mandat de ministre, tout comme il a été lobbyiste des médecins spécialistes. Dans ce courriel je lui donne la référence pour qu'il prenne le temps de lire le chapitre de Samuel Vaillancourt et qu'il réfléchisse aux arguments et propositions qu'il a pris le temps de mettre sur papier. Bien évidemment, je me fais aucune illusion. Mais bon, on ne pourra pas dire que je n'aurai pas essayé...
La plus chanceuse dans tout cela, c'est sans doute mon amie Marie-Gisèle qui a levé les pattes sans demander son reste pendant que je lui parlais au téléphone il y a deux semaines. Au moins, elle n'aura pas eu affaire de manière colossale à un système de santé dysfonctionnel et qui risque de surcroît de vous tuer dès que vous y mettez les pieds.

L'Institut du Nouveau Monde a organisé ce 16 juin le Premier rendez-vous national sur l’avenir du système public de santé et de services sociaux où se sont retrouvés tant des professionnels de la santé que des citoyens pour une journée de réflexion, de surcroît diffusé sur le web. Le grand absent aura été le premier concerné, j'ai nommé le ministre de la Santé et des Services sociaux monsieur Gaëtan Barrette. Nenon, il n'a aucune excuses de ne pas avoir été là. Il vient de se faire au moins un ennemi. Il vient de prouver noir sur blanc que l'on ne peut pas compter sur lui pour que des changements positifs aient lieu au sein du système de santé. Si nous avions besoin d'un geste de la part de ce gouvernement de Couillard, autre que paternaliste et top-down, c'eut été le moment en début de mandat.

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samedi 14 juin 2014

La guerre dans un pays qui n'existe plus? - Rappel

J'ai publié ceci il y a bientôt huit ans (octobre 2006), lorsque je vivais dans la forêt. Ce qui s'enligne vers la "balkanisation" de l'Irak a tout de même des origines... Fabrication anglo-française par ces États colonisateurs du XXe siècle, l'Irak comme la Yougoslavie et d'autres pays structurellement fabriqués se dirigent vers sa fragmentation. L'ère Bush et ses gros sabots dans un coin du monde dont il ignorait la composition, l'histoire n'a fait qu'accélérer un processus qui était prévisible mais qui aurait peut-être pu être moins sanglants. Mais bon... quand on veut régler les problèmes par la force, on obtient les résultats qui sont liés à ce genre de mentalité.

Alors que je prenais mon petit déjeuner hier matin, je me suis mis à écouter une émission sur CBC Radio One qui s'appelle The Current. Anna Maria Tremonti, hôtesse de l'émission, fut longtemps correspondante pour CBC télé et radio, tantôt au Moyen Orient, tantôt à Londres notamment. Elle a une grande connaissance des dossiers de la politique internationale. L'émission d'affaires publiques en est une d'un regard sur la marche du monde ou du coin de la rue au travers d'entrevues qu'elle conduit au quotidien.
Hier matin, elle recevait Peter W. Galbraith, moins connu chez les francophones que son père John Kenneth Galbraith. Pourtant, il a un parcours fort honorable. Cette partie de l'émission portait sur la présence militaire américaine en Irak, alors que selon Galbraith, le pays lui-même n'existe plus... J'ai décidé de faire la transcription complète de l'entrevue car elle m'apparaît capitale. De plus j'offre des liens par la suite en anglais pour ceux et celles qui veulent en savoir davantage. Je ne sais pas si ce livre sera traduit à temps pour que cela soit significatif et, à mon sens, il aurait dû déjà être traduit et disponible en français. Pardonnez à l'avance les fautes... Je corrigerai une autre fois...
The Current
Mardi 3 octobre 2006
Étant donné que la situation en Irak continue de se détériorer dans ce que d'aucuns appelle une guerre civile, une des options qui jusqu'à récemment étaient impensables, c'est celle qui voudrait que les Américains retirent leurs troupes et laisse le pays s'organiser lui-même et cette idée-là fait beaucoup d'adeptes. Peter Galbraith est parmi ceux-là. Pendant près de 15 ans, il a agi à titre de conseiller senior du comité des affaires étrangères du Sénat américain. Il a joué un rôle-clé dans la divulgation des crimes de Saddam Hussein envers les Kurdes, crimes pour lesquels l'ancien président est maintenant jugé.
Par la suite, Peter Galbraith est devenu les premier ambassadeur américain dans la Croatie nouvellement indépendante. Récemment encore, il était professeur au Collège national américain de la guerre [US National War College], poste duquel il a démissionné pour protester contre la façon dont la guerre en Irak est mené.
Maintenant, dans un nouveau livre, Peter Galbraith dit qu'il est temps de sortir les troupes de l'Irak. Si nécessaire, laissons le pays se diviser si c'est le choix. Le livre s'intitule The end of Iraq: How American incompetence created a war without end. [La fin de l’Irak - Comment l’incompétence américaine a créé une guerre sans fin] Peter Galbraith se trouve à Boston. Bonjour.

Peter Galbraith:
Bonjour.

Anna Maria Tremonti:
Il y a une très vieille histoire dans votre livre au sujet d'un serviteur qui a une rencontre avec la mort. Racontez-nous l'histoire.

PWG.:
Oui. Elle est relatée par Somerset Maugham et je l'ai incluse au début de mon livre. Un maître envoie son serviteur au marché à Bagdad. Pendant qu'il est au marché, il est bousculé par une femme. Et quand il se retourne, il voit la femme et se rend compte que c'est la mort. Il retourne au pas de course à son maître et lui raconte l'épisode. Il lui dit: "Maître, je dois partir d'ici. Je vais aller à Samarra et fuir mon destin ”. Le maître est un bon homme et va au marché. Il trouve la mort et la confronte. "En quel honneur faites-vous peur à mon serviteur ce matin?" La Mort se retourne et lui dit: "Bien monsieur, mon regard ne servait pas à l'effrayer mais à montrer ma surprise de le voir ici à Bagdad, car j'ai rendez-vous avec lui ce soir à Samarra." Et j'ai inclu cette histoire au début du livre, car le moment charnière cette année fut la destruction du lieu saint d'Askaria qui a déclenché une autre étape, voire l'intensification de la guerre civile en Irak. J'étais à Bagdad en train de terminer le livre quand cela est arrivé. Mais je l'inclus aussi parce que c'est une parabole merveilleuse de conséquences imprévues. Les Américains sont allés en Irak - l'administration Bush - avec l'intention de transformer l'Irak en une démocratie, ce qui par la suite aurait un effet domino sur l'Iran adjacent, la Syrie. Ils ont réussi à changer l'Irak, mais le grand vainqueur s'avère être l'Iran qui domine maintenant le sud de l'Irak, ce qui est aujourd'hui quelque chose qui inquiète beaucoup le Koweït, l'Arabie Saoudite, Bahreïn, toutes les régions où l'on retrouve de grandes populations Chiites, assises sur de grandes quantité de pétrole.

AMT:
Bien, laissez-moi vous demander... l'événement du début de votre livre, l'événement du 2 février dernier à Samarra, l'explosion du lieu saint Askaria, s'agit-il là, à votre point de vue, du moment où l'Irak serait mort ou se terminerait? P.G.: Je pense qu'il est difficile d'établir un moment précis, mais je pense qu'il s'agit là d'un moment aussi valable que n'importe lequel. Je suppose que l’autre événement qu’on pourrait choisir est ce qui est arrivé le 9 avril 2003, le jour où les Américains sont entrés à Bagdad, se sont débarassés de Saddam Hussein et les Américains se sont non seulement débarassés de Saddam, ils en ont détruits l’armée. Un mois plus tard ils l’ont formellement démembrée. Ils se sont débarrassés des services de sécurité du Bat’h. Ainsi, d’une certaine façon la dissolution du pays en était la conséquence logique, mais je pense qu’on pourrait dire de la destruction de lieu saint d’Askaria et l’escalade de la guerre civile qui s’ensuivit, qu’il s’agit là de la lance qui frappe au cœur du corps de l’Irak. AMT : Mais que veut dire au juste la “ fin de l’Irak ”. Si l’Irak est fini, qu’advient-il par la suite. Comment l’appelle-t-on. A quoi allons-nous assister?

PWG:
Il s’agit là certainement la raison du livre, à savoir que l’Irak c’est terminé et, incidemment, je ne pense pas que ce soit là entièrement une mauvaise chose! Après tout, c’est un pays qui a été conçu par les Britanniques pour des raisons coloniales à la fin de la première guerre, les Kurdes n’ont jamais voulu faire partie de ce pays-là et se sont toujours rebellés. Il a été maintenu comme tel par l’utilisation d’une grande brutalité. Nous vivons dans un monde où le droit à l’auto-détermination et l’une des valeurs internationales et, à titre d’exemple, on l’a acclamé en 1991 quand l’Union soviétique s’est brisée. Mais nous aurions préféré que ce qui s’y est passé [en Irak] aurait plus ressemblé à ce qu’il advenu de l’Union soviétique ou la Tchécoslovaquie plutôt qu’à la Yougoslavie, à savoir un conflit sanglant et semble-t-il déraillée. Mais certainement l’Irak va se diviser en deux États. Il y a un déjà un Kurdistan indépendant en tout sauf en titre. Que la partie arabe de l’Irak forme un État gouverné par les Chiites qui oppresseraient les Arabes Sunnites, en autant que les Chiites peuvent remporter cette guerre civile, il s’agit là d’une option. Une autre option serait cette fédération relâchée entre Sunnites et Chiites, chacun gouvernant sa région. Je crois que dans la troisième possibilité, on aurait deux États séparés, les Chiites dans le Sud et les Sunnites dans le Nord…

AMT:
… et je voudrais explorer un peu plus avec vous ce que cela pourrait signifier et où les problèmes pourraient survenir. Mais avant que nous allions dans cette direction, j’aimerais savoir où vous vous situez dans le débat présent qui parle d’une guerre civile ou non. Considérez-vous que ce que vous voyez en Irak en ce moment peut être qualifié du vocable de guerre civile?

PWG:
Il n’y a pas l’ombre d’un doute à ce sujet. Quand vous avez une centaine de personnes par jour qui se font tuer dans des violences sectaires entre Sunnites et Chiites, vous ne pouvez pas en parler autrement.

AMT:
Alors, dans la situation présente, quelle est le degré de faute que vous attribuez à l’administration Bush?

PWT:
Bien… Il s’agit de la pire des aventures de la politique étrangères des Etats-Unis de toute mon existence! Il se peut que ce soit la pire de toute l’histoire américaine, en tout cas depuis que Benedict Arnold a attaqué le Canada en 1775. Et l’incompétence commence avec l’envoi de quelques troupes, jusqu’à l’entrée dans Bagdad, sans aucun plan dans le but de maintenir la sécurité, avec le président qui ne s’est jamais décidé si on devait garder ou démanteler l’armée [irakienne], sans plan pour une occupation de longue durée où le transfert du mandat à l’armée locale, avec le résultat que nous avons essayé de faire le deux en même temps. La responsabilité pour ce qui est arrivé est énorme. Cela étant dit, les racines de la guerre en Irak ne sont pas le fait de l’administration Bush, elles reposent dans les divisions inhérentes à l’Irak entre les Sunnites qui règnent pas la force, les Chiites par la majorité, les Kurdes qui ne veulent pas faire partie de l’Irak. La chose la plus étonnante de la part de l’administration Bush est qu’elle n’avait aucune idée que cela était la situation et cela aussi est impardonnable.

AMT:
Là encore, vous faites le parallèle avec l’ancienne Yougoslavie, avec l’Irak comme la Yougoslavie, maintenu dans un ensemble par des hommes forts. Et quand Saddam Hussein à été retiré de la joute, ces divisions sont apparues plus prononcées à notre regard.

PWG:
Cela est essentiellement vrai. La Yougoslavie fut un temps un succès et supportée par ses citoyens…

AMT:
… en fait, je ne devais pas trop en faire un parallèle…

PWG:
… non, non, non! La parallèle est en fait extrêmement important et, en fait, comme vous savez, j’ai été le premier ambassadeur américain en Croatie. Je suis frappé par l’une des leçons que j’y ai appris : lorsque vous avez des gens dans un situation géographique qui unanimement ne veulent pas faire partie d’un pays, vous ne pouvez pas les y obliger autrement que par le force. Si vous voulez une démocratie ou même un régime modérément autoritariste, vous ne pouvez pas les garder dans ce pays. L’autre leçon que j’ai apprise, c’est que lorsqu’un pays se brise comme la Yougoslavie, il vous faut concentrer vos efforts à diminuer les pires effets de la guerre qui peut s’ensuivre. C’est une folie de mettre les œufs dans le même panier et essayer de maintenir l’intégrité du pays. C’est ce que nous avons faits nous [les Américains] et les Européens à la fin de 1991 en ce qui concerne la Yougoslavie et nous avons raté la chance de prévenir la terrible guerre qui a sévi par la suite.

AMT:
Donc, parlons des trois groupes en commençant par les Kurdes, le groupe avec le plus grand nombre de raisons d’accès au statut de nation. Vous avez dit qu’ils étaient déjà indépendants sur tous les plans, sauf le nom à ce moment-ci. Mais qu’en est-il des difficultés, des frontières, de la Turquie avec sa forte population kurdes, un pays de l’OTAN qui a ses propres difficultés avec le mouvement indépendantiste kurdes.

PWG:
C’est une question extrêmement importante et vous l’avez formulée exactement. Pendant des décennies la Turquie s’est préoccupée du nationalisme kurde, le fait que la Turquie insistait qu’elle n’avait pas de Kurdes sur son territoire, seulement des gens qu’elle appelait des Turcs des montagnes. Cela étant dit, il y a une vaste acceptation en Turquie qu’il n’y a pas un grand nombre d’options pour prévenir l’émergence d’un Kurdistan indépendant. Il y a bien sûr un groupe de la ligne dure qui voudrait voir instaurer un blocus économique, mais il y a un mouvement croissant qui considère qui peut-être qu’un Kurdistan indépendant n’est pas si mauvais. Après tout qui sont les Kurdes. Ce sont des gens séculaire, avec une orientation occidentale qui aspirent à la démocratie et ils ne sont pas Arabes. Bref, ils ont beaucoup de similitudes avec nous! De plus, un Kurdistan indépendant pourrait utilement servir de zone tampon avec un Irak dominé par les Chiites iraniens.

AMT:
Parlons maintenant des Chiites en Irak. Vous parlez de quelque chose qui s’appelle Shiastan. De quoi s’agit-il?

PWG:
Il s’agit de neuf gouverneurs de l’Irak. L’Irak a 18 gouverneurs. Donc il s’agit de la partie sud du pays. Abdel Aziz Hakim qui est le chef du plus grand parti chiite, le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak a proposé la création d’une entité chiite avec exactement les même pouvoir que le Kurdistan, donc le droit d’avoir sa propre armée, un droit que possède le Kurdistan selon la constitution irakienne, contrôle substantielle de ses ressources pétrolières (80% des réserves de pétrole de l’Irak sont au sud). Il parle même d’avoir une frontière solide avec des gardes à la frontière avec l’Irak sunnite afin de se garder contre les terroristes. La proposition de la création de cette entité shiite - Shiastan si vous voulez - est maintenant devant le Parlement irakien. Si la proposition est acceptée et je présume qu’elle le sera, il y aura un délai de 18 mois avant qu’elle soit appliquée. Mais dans les fait le Shiastan existe déjà. Le sud n’est pas contrôlé par Bagdad. Il est contrôle par un gouvernement local théocratique qui fonctionne selon le modèle iranien, avec sous-jacent la loi islamique souvent plus strict qu’en Iran avec une milice de mouture locale. AMT : Il y a une autre variable ici. Il s’agit de la minorité sunnite qui a passé le plus clair du vingtième siècle au pouvoir. Comment réagissent-ils à l’idée (bon on sait qu’il y a une guerre civile), comment réagissent-t-ils avec cette idée qu’il pourrait y avoir plus de contrôle avec ce genres de partition/division?

PWG:
Le problème central des Sunnites, c’est qu’ils n’ont pas de chef qui parle en leur nom. Il y a aussi le problème du soulèvement qui en soit est multiple, incluant des éléments étrangers, tel Al-Qaeda, des éléments salafis locaux, ces islamistes fondamentalistes qui voient les Chiites tels des héritiques. Et puis il y a les anciens Bathistes. En ce moment, ils sont tous ligués contre le pouvoir chiites et les Américains. Cependant, il y a des divisions internes considérables qui rendent difficiles un quelconque porte-parole pour les Sunnites. Pour ce qui est de discerner une vision sunnite à partir de ses chefs élus : ils sont contre le fédéralisme, ils sont contre le démantèlement de l’Irak. Mon sentiment est plutôt que leur position tient de celle du trouble-fête. S’opposer au fédéralisme tient moins sur les mérites du concept que de s’opposer au Chiites et, dans une moindre mesure, aux Kurdes.

AMT:
Je me demande comment un État sunnite pourrait survivre s’il est coupé des revenus du pétrole et de sa propriété et qu’il serait entouré par deux États qui considèrent toujours les Sunnites, tel des apologistes de Saddam Hussein?

PWG:
Il s’agit là d’une des difficultés. Mais cela a à voir avec des choix. Le choix des Sunnites n’est pas quelque monde idéal d’un Irak multiethnique. Ce n’est pas de retourner à un Irak qu’ils gouvernaient. C’est le choix d’avoir leur propre région, gérer leur propres affaires ou alors faire partie d’une région arabe unique et être dominé par les Chiites. Il me semble que le meilleur choix pour eux consiste à former leur propre territoire, d’avoir leur propre armée régionale (quelque chose de permis dans la constitution irakienne) et s’occuper de leur propre sécurité.

AMT:
Et pourtant, vous soulevez le problème avec la division en trois régions et vous persistez à croire que c’est la meilleure porte de sortie, la meilleure façon laisser les choses se faire.

PWG:
Absolument! Il n’y a pas de bonne solution. La seule façon d’envisager le tout est d’envisager les alternatives. Le fait est que le pays est déjà démantelé. Et alors, si vous le voyez de la sorte, le choix est alors : essayons-nous de recoller les morceaux [put Iraq back together] ou acceptons-nous la réalité d’un pays qui n’existe plus [a country that has broken up]? Et, incidemment, je ne suis pas en faveur de cette disparition de l’Irak. Je ne revendique pas la partition de l’Irak. Je dis que cela est déjà arrivé et que nous devrions travailler avec la réalité.
Considérons que nous voulions prendre un autre chemin et recoller les morceaux. Eh bien, recoller les morceaux d’Humpty Dumpty. Que faudrait-il alors? Il faudrait que les troupes américaines aillent dans le sud, démantèlent les théocraties qui règnent là-bas et désarmais les milices chiites. Cela veut dire prendre d’assaut un tout nouvel ennemi en Irak qui est beaucoup plus puissant que les rebelles sunnites et qui ont un commanditaire, l’Iran, à proximité. Le président Bush n’a pas l’intention d’étendre la mission pour ce faire.
La seconde chose qu’il vous faudrait faire pour remettre l’Irak sur rail, serait de mettre fin à la guerre civile. Et comme vous ne pouvez pas utiliser les forces irakiennes pour ce faire (il y a des partisans chiites et sunnites) dans la guerre civile, il vous faudra utiliser les troupes américaines comme policiers dans des places comme Bagdad. Cela voudrait dire beaucoup plus de troupes, exposant les troupes à des plus grands risques et le président Bush n’a aucun intention de le faire.
Ainsi, l’administration Bush ne veut pas mettre fin à la guerre civile, ne veut pas mettre fin aux régimes théocratiques, n’a aucune chance de convaincre les Kurdes de mettre fin à leur projet d’indépendance. Donc nous avons déjà la réalité d’un pays démantelé. S’il s’agit de cela, c’est ce que les éléments locaux voulaient : le pays est brisé. Il me semble que la logique est de supporter ces régions dans le sud pour tenter de formaliser les choses, de sorte que ce ne sont pas des bandes de régimes thécratiques avec leur propres milices, mais que ces milices deviennent une armée du sud.
Cela laisse seul les Sunnites et la meilleur façons de convaincre les Sunnites, c’est qu’ils aient leur propre territoire/région

AMT:
… En bout de ligne, ce que vous proposez, permettre à ces choses de se passer comme elles se passent, c’est aussi une façon de permettre aux troupes américaines de se retirer de l’Irak.

PWG:
Oui et incidemment, l’administration Bush a adopté jusqu’à un certain point ce que je dis, car bien qu’ils disent qu’ils sont engagés pour un Irak uni, ils laissent aussi ces événements se dérouler comme ils le font. Mais si vous acceptez que le pays n’est plus, alors vous pouvez analyser quel type d’objectif l’on sert en y gardant les troupes de la Coalition. Si nous n’allons pas bâtir une démocratie dans le pays, si on n’est pas là pour démanteler des théocraties au sud, si on ne va pas désarmer les milices, alors il n’y a aucune raison d’avoir des troupes dans la partie sud du pays. Je crois que ces troupes doivent être retirer demain, d’autant plus que le sud est “ stable ”, même s’il est gouverné par des groupes religieux pro-iraniens.
En ce qui concerne Bagdad, oui il y a une terrible guerre civile avec des tueries sectaires, si l’on s’en va il y aura cette terrible guerre avec ces tueries sectaires et si nous restons ce sera aussi le cas. Si on ne va pas arrêter la guerre civile à Bagdad, je ne vois aucune raison d’y être. En ce qui concerne la région sunnite, nous avons un intérêt : celui qu’Al-Qaeda n’ai pas de base dans cette région d’où il pourrait attaquer les Etats-Unis et l’Occident. Autrement dit que la région sunnite ne devienne pas ce qu’a été l’Afghanistan sous les Talibans. La stratégie présente qui consiste à neutraliser Al-Qaeda de tout évidence ne fonctionne pas. La raison pour laquelle cela ne fonctionne pas est que ce travail est confié à ce qui s’appelle les forces irakiennes, qui dans les faits sont composées de Chiites qui rivalisent avec des rebels sunnites. Même les Sunnites qui ne sont pas d’accord avec les rebels sunnites vont les préférer aux troupes Chiites. C’est pourquoi l’alternative d’une région sunnites avec des troupes sunnites me semble offrir un meilleur espoir de mettre fin à la rébellion. Notez mon choix de mot : espoir. Je ne sais pas si cette stratégie va fonctionner. Je sais juste que la présente démarche ne fonctionne pas.
D’un façon ou d’une autre, les États-Unis vont se retirer de l’Irak. La question est de savoir si cela a lieu maintenant par un changement de stratégie ou que cela se produit en 2009, lorsqu’il y aura un nouveau président ou une nouvelle présidente qui ne voudra pas que son administration soit dominé par le cas de l’Irak.

AMT:
Cela m’amène à ma prochaine question : Votre père, le célèbre économiste John Kenneth Galbraith a écrit un livre en 1967 intitulé, How to get out of Vietnam [Comment sortir du Vietnam]. Je me demandais si vous pensiez à lui et à ce livre lorsque vous avez écrit le vôtre.

PWG:
Beaucoup plus que cela. On m’a demandé une conférence en 2004. Il s’agissait de la première Conférence John Kenneth Galbraith. À titre d’hommage à mon père, et comme son œuvre est avant tout économique et la mienne en politique étrangères, j’ai relu le livre et j’ai intitulé ma conférence Comment sortir d’Irak. Dans ce livre il émet des stratégies pour sortir du Vietnam et, véritablement inspiré de lui, j’ai tenté de jouer le même rôle en ce qui a trait à l’Irak.

AMT:
Cela demeure un défi de vendre ceci à l’administration Bush à différents niveaux et même pour le public américain, l’idée de quitter l’Irak, quelles sont les chances que cela puisse se produire.

PWG:
Franchement, si le public américain pouvait voter sur ce sujet, il voterai de quitter l’Irak. Mais il faut que l’argument ait à voir avec la sécurité nationale des Etats-Unis. Nous avons d’autres intérêts dans le monde, autre que l’Irak. Bush avait raison en 2002 lorsqu’il a défini la menace envers les Etats-Unis originant des États délinquants, des États liés avec le terrorisme, qui serait à la recherche ou posséderaient des armes de destruction massive. Il était un peu imprécis, car il ne s’agit pas d’armes de destruction massive en temps que telles qui sont la menace, mais les armes nucléaires. Elles sont dans une catégorie à part. Le problème c’est qu’il s’est mis à focaliser sur un pays au sujet duquel nous savions avant la guerre et sans l’ombre d’un doute qu’il n’avait pas d’armes nucléaires et aucun programmes d’armes nucléaires.
Pendant que nous focalisions sur l’Irak, la Corée du Nord est devenu le seul pays au monde à se retirer du Traité de non-prolifération nucléaire et prendre du plutonium qui avait été contrôlés et d’en faire 8 ou 9 armes nucléaires et l’administration Bush n’a rien fait. Beaucoup de haussements de ton mais aucune action. L’Iran qui avait suspendu l’enrichissement nucléaire l’a repris et de toute évidence va développer des armes nucléaires. Encore là, beaucoup de haussements de voix, pas d’actions. L’Iran en plus sait que les Américains n’ont pas beaucoup de choix. Si les Américains choisissent de déclencher une offensive militaire sur l’Iran, les Iraniens ont ouvertement laissés savoir qu’il se vengerait sur les troupes américaines en Irak et ils utiliseront leurs alliés chiites au sud et sont dominants à Bagdad.

AMT:
Donc, que pensez-vous que nous devrions surveiller au cours des prochains mois?

PWG:
Bien… Premièrement, les choses vont-elles continuer à se dérouler comme elles le font, c’est-à-dire, aller de pis en pis. Franchement, je crois que oui. Le plus grand danger qui nous guette, ce serait les Chiites qui voudront le départ des troupes américaines [US out]. Maintenant qu’ils ont la mainmise sur le gouvernement de Bagdad, ils ont leur propre armée et jusqu’à un certain point, la présence américaines est un empêchement à leur domination de la partie sunnite, arabe du pays. Le danger est qu’ils se retourneraient contre les Etats-Unis. Nous aurions alors, une bien pire situation que nous avons maintenant.

AMT:Peter Galbraith, merci pour votre perspective en ce jour.PWG :Bien… Ce fut très bien de vous parler.

Peter Galbraith fut longtemps conseiller senior du Comité des affaires étrangères du Sénat américain. Il fut par la suite premier ambassadeur américain en Croatie. Il est maintenant Fellow Senior au Centre du contrôle et de la non-prolifération des armes [Vermont] et est l’auteur de
"The end of Iraq: How American incompetence created a war without end". [La fin de l’Irak - Comment l’incompétence américaine a créé une guerre sans fin] (Simon & Schuster) et il nous a parlé de Boston.

• The Current, mardi 3 octobre 2006, Part 2
Audio (mp3, 8,6 megs, 23 min.)

La transcription en pdf

• NPR (National Public Radio)
Weekend Edition Saturday, August 5, 2006 · Peter Galbraith
Exiting Iraq: Ambassador Galbraith's View

• VOA - Voice of America
Press Conference USA
Ambassador Peter Galbraith Talks About His Book "The End of Iraq"

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vendredi 13 juin 2014

Lac Mégantic, 11 mois plus tard

A cette période l'an dernier je vivais à Lac Mégantic. J'ai quitté l'endroit à peine 10 jours avant la catastrophe du déraillement. Parmi les logements visités à l'époque de ma décision d'y déménager en août 2012, il y en avait un ou deux rue Frontenac dont un tout juste à côté du désormais fameux Musi-Café où je m'étais déjà retrouvé en 2005.
Le Musi-Café, la bibliothèque et au bout de la rue, le chemin de fer. Google Streets, juin 2013
Comme je ne réussissais à ne rejoindre personne, j'optais pour un logement correcte rue Wolfe, un 3½ sur 3 étages si on inclut le grand sous-sol "pas fini". Cet immeuble de la rue Wolfe que j'ai donc quitté le 25 juin 2013 fait partie de ceux qui seront détruits dans le cadre du réaménagement du centre-ville de Lac Mégantic.
3618 rue Wolfe. Je soupçonne que les caméras de Google Streets sont passés par là dans les quelques jours suivant mon déménagement le 25 juin et précédant la catastrophe du 6 juillet. Étonnant.
Cet immeuble est singulier car son revêtement est fait de pierres des champs non-taillé, ce qui lui donne une allure hors de l'ordinaire. Si les fenêtres avaient été plus jolies (ce stupide style de fenêtres peu adapté à notre climat) l'endroit aurait eu plus fière allure. Mais bon, ce fut mon chez moi pendant neuf mois, pour le meilleur et pour le pire. Le rue Wolfe est d'une laideur inénarrable, sans arbre, inutilement large d'asphalte comme un boulevard, bruyante, bref qui aurait besoin d'un sacré bon aménagement. La route de la Beauce ou rue Salaberry est elle aussi très moche. Voici un montage de quoi il en est.
En face la rue Wolfe et à droite la route 204 (rue Salaberry) vers la Beauce ou l'Est.
Par contre dans ce genre de situation, l'expropriation des immeubles se fait au détriment à la fois des propriétaires et des habitants qui y perdent au change.
Le réaménagement proposé est assez colossal. Il était prévu une amélioration du secteur dans un plan d'aménagement mais la destruction du centre-ville fait en sorte que tout est revu de manière systématique. Somme toute, dans les circonstances, ce réaménagement semble de bonne qualité.
Le Métro prendra la place de l'église qui est déjà démolie.
La route Salaberry (204) vers l'Ouest, à environ 5 minutes de marche du lieu de la catastrophe. Si ce réaménagement se réalise tel quel, Ce sera un changement vraiment pour le mieux dans ce secteur qui était un peu tristounet.


Il se pourrait que je retourne là-bas une année plus tard pour voir les transformations et parler aux gens que j'ai connu au passage.


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mardi 3 juin 2014

Revenir à Montréal

A la mi-mars encore, il n'était pas question que je revienne à Montréal. Voilà pourtant qui est fait! 10 ans moins un mois après avoir quitté cette ville. Je dois dire d'emblée que le fait que je me retrouve dans ce secteur de la ville - que je ne connaissais pas du tout - fait en sorte que ce retour à Montréal me permet de voir la ville sous un autre angle. Côte Saint-Paul et Ville-Émard sont des secteurs modestes de Montréal (qui furent amalgamés à la grande ville il y a une centaine d'années déjà) loin des prétentions du Plateau, d'Outremont ou de Westmount. Avec à l'ouest le canal Lachine et à l'est le canal de l'Aqueduc, il s'agit d'un ancien quartier ouvrier comme il en pullulait à Montréal autrefois. Bien que la majeure partie du milieu industriel qui fit la force de Montréal ait dorénavant disparu, je soupçonne que les gens ici gagnent leur croûte comme employé.e.s dans les centres d'achats, dans des emplois modestes. On a qu'à se promener dans les ruelles parfois crasseuses pour observer la vie modeste du secteur, bien qu'il y ait beaucoup d'effort chez certains pour faire de leurs petites propriétés de petits oasis de paix et de verdure. On peut deviner par les ruelles qui sont toujours très parlantes, les origines des gens car certains traits ethno-culturels persistent en ce XXIe siècle, dont les cours en ciment dans certains cas ou les jardins maraîchers qui sont souvent signe d'origines sud-européennes.
J'ai bien regardé du côté du Plateau, de Rosemont, jusqu'à Ahunstic pour me loger mais les loyers y sont prohibitifs ou les ambiances me laissent désormais plutôt froid. J'ai vécu près de 20 ans dans le Mile End qui commençait à se gentrifier passablement dès l'annonce de la construction du CHUM au métro Rosemont dans les années 90. De toute évidence les BOBOS ont envahi tout le secteur Plateau/Mile End. Avec Ubisoft et cie, le jeunes qui roulent sur l'or ne sont pas les habitants modestes que j'ai connu dans le coin dans les années 80 où l'expresso était à 45¢. C'est plus proche de 4.50$ maintenant. Les logements qui se louaient à des prix raisonnables sont choses du passé. Cela n'est pas le propre de Montréal car ce cancer de la spéculation immobilière redéfinit des concepts de base comme l'habitat de manière sauvage et barbare.

Je peux donc me rendre en ½ heure à Grande bibliothèque, exclusivement par une voie cyclable dont le parcours s'étend bien au-delà de chez moi vers le sud-ouest de l'île. J'ai nommé la piste cyclable du canal Lachine qui existe depuis une bonne trentaine d'années et qui n'aura pas été le propre du maire Drapeau pour sûr, mais le fait de Parcs Canada, propriétaire foncier du canal et des rives de celui-ci. Voilà une bonne raison de faire partie de la fédération canadienne, à tout le moins à ces époques-là car avec Harper, il est sûr que c'est moins tentant :)

Je me suis aussi prêté au jeu de me rendre sur le Plateau par l'avenue Atwater, d'un bout à l'autre, côte des neiges, Dr Penfield, avenue des Pins, le parc Jeanne-Mance, Clarke jusqu'à Laurier et vers Papineau: 55 minutes et 12,5 km, presqu'exclusivement dans la circulation automobile. A la campagne je parcoure la même distance en moins de 30 minutes pour sûr, mais ici je ne me risquerais pas à de grandes vitesses et recevoir une portière dans le poitrail, ce qui ici est irrémédiablement possible et qui m'est déjà arrivé du reste, mais ce ne fut pas moi la victime mais la portière...

On n'a guère le choix. Après des séjours un peu partout cette dernière décennie, force m'est de constater que si je cherche une émulation culturelle et intellectuelle, il existe un repli et un conservatisme invraisemblable dès que l'on sort de Montréal pour s'installer ailleurs au Québec. Bien sûr il se passe des choses à Québec et Sherbrooke mais cela représente tellement peu. Par exemple l'an dernier à Sherbrooke, il y avait de très bons gros shows en plein air au centre-ville. Au mieux une centaine de personnes et parfois une trentaine. Où est tout le monde? Devant la télé? Devant un ordinateur?
Montréal offre donc une panoplie d'activités de tous genres dont la plupart sont gratuites. Pour les autres, cela dépend. Il y en a pour tous les budgets et malheureusement certaines activités sont d'un coût inabordable.
Je ne sais pas combien de temps je serai ici. Une année? Peut-être davantage si je trouve à bien me loger, ce qui en ce moment n'est pas tout à fait le cas.

lundi 2 juin 2014

Chronique de disparition

J'ai une amie qui est morte hier soir pendant que je lui parlais au téléphone. Littéralement. Ses derniers mots ont été “Ben voyons, qu'est-ce que j'ai... j'suis étourdi”. Puis elle s'est effondrée. Ce n'est que 3 heures plus tard que son ami m'en a informé. Aucun signe avant-coureur en tant que tel. 53 ans. Nous étions amis depuis le Temporel il y a 31 ans. Nous avions dans notre jeunesse énormément partagé et sa sensibilité envers l'environnement et le sort des animaux notamment la rendait vulnérable. Nous étions toujours en contact et ses nombreux plaidoyers m'écorchaient souvent les oreilles mais le socle de notre amitié était d'une grande solidité. Sa santé était fragile et elle admirait ma capacité de résistance et de refus face à la résilience généralisée dans notre société. Cette complicité quelque peu hygiénique car souvent physiquement distante, moi qui ne cesse de bouger et elle qui avait décidé de ne plus trop bouger, je la perpétuerai même hors sa présence physique mais aussi avec son ami et complice de toujours. Comme me faisait remarquer un ami très rationnel d'ordinaire. "Te rends-tu compte? Tu étais à vélo dans un parc et tu t'es dit 'faut que j'appelle Marie-Gisèle" et pas longtemps après elle meurt." C'est sûr que c'est hors de l'ordinaire que quelqu'un.e te meurt au téléphone sans prévenir. Je ne sais pas si je suis sous le choc. J'ai parlé à son ami qui est avec elle depuis ¼ de siècle. Je suis le dernier à avoir parlé à Marie-Gisèle. Lui est entré et elle était au sol, partie. Je pense que ce sont ces aspects-là qui me sidère. Ses frères ont pris le dossier en main, eux qui sont ignobles. Pas de funérailles. Rien. Que l'incinération de leur soeur. Des truands. Elle a été minée toute sa vie par leur attitude. Heureusement, elle sera éventuellement enterrée à côté de ses parents dont son père qu'elle aimait tant et qui lui avait demandé un jour: “Marie-Gisèle, est-ce que tu crois en la réincarnation? Parce que moi, je ne veux pas revenir.” Bonne suite Marie-Gisèle. Tu es toujours mon amie. 

Ti-Caille, mon chat qui me suit pratiquement partout depuis qu'il est né manque à l'appel depuis sa première sortie à Montréal où il avait vécu déjà trois ans au début du millénaire. C'est donc une autre grande perte pour moi car il aura été un compagnon hors de l'ordinaire, affectueux et intelligent.
Après trois semaines de réclusion, ce 20 mai je décide que le temps est venu que mes deux chats se familiarisent avec leur nouvel environnement. Ti-Caille fait ça depuis plus de 10 ans sans problème... jusqu'à maintenant. Son comparse Black n'a pas eu de difficulté à se retrouver. Ti-Caille n'était pas en grande santé du haut de ses treize années. J'aurais voulu le garder jusqu'à ma propre mort, tellement nous avions cette belle complicité. Hélas! Je ne l'ai guère revu et comme une mère qui cherche son enfant, je voudrais au moins savoir ce qu'il est advenu de lui.